Petit complexe deviendra grand

Petit complexe deviendra grand.

Nous sommes dans les vestiaires, premier cours de piscine pour ces petites filles en classe de CM1. Elles papotent, rigolent, et se chamaillent comme d’habitude_euuuh_🎶 . 
Le bonnet trop serré
Le maillot trop une-pièce
Les boucles d’oreilles trop encombrantes
La serviette pas assez girly
Le gel douche, pas assez parfumé et j’en passe. 
Je les observe mi- amusée, mi- fatiguée (bah oui, je ne sais pas trop pourquoi, mais les enfants, même en petit comité, se sentent O-BLI-GER de vociférer pour s’exprimer). 

Après 10 minutes intensives🕗 pour se mettre en tenue, nos miss sont prêtes à entamer le défilé vers la piscine.
Nous passons la porte des vestiaires, attendons notre tour pour la douche, et pile à ce moment, la comédie commence : Une première annonce que ses cuisses sont beaucoup trop grosses. Une seconde nous fait savoir que se sont ses bras qui lui posent problème pour je-ne-sais quelles raisons, une autre surenchérit sur ses poils et là s’ensuit une série de plaintes, de lamentations et de comparaisons digne d’expertes dans le domaine de la non-acceptation de soi.
Après avoir essayé de gérer tant bien que mal cette petite crise et confié la classe aux maîtres-nageurs compétents, je m’installe avec mon bouquin dans les gradins pour profiter de ces 45 minutes de répit bien méritées. 



En fait, j’ai beau essayer de me concentrer, ces petites phrases assassines🔪🔪, dans ces bouches innocentes résonnent sans arrêt dans ma tête. 
Je m’interroge: comment à cet âge, avec des corps si frêles, si enfantins, des petites filles se jugent-elles si durement ? et puis pourquoi déjà ?  Où ont-elles pu acquérir des notions si affinées dans le dénigrement de soi ? Même si ces phrases étaient dites sans réelles convictions, juste par mimétisme (je suppose), je sais qu’elles deviendront dans quelques années, leurs complexes, leurs réalités. 

Je le sais, parce que cette réalité était la mienne, il y a de çà quelques années et parfois encore aujourd’hui.
Parfois, parce que fort heureusement, l’idée que mes cuisses se touchent trop, que mon ventre n’est pas la copie conforme d’une tablette de chocolat ou encore que mes bras pourraient être confondus avec des jambonneaux  ne m’obsèdent pas tous les jours. 

Cependant, à l’approche de l’été, j’avoue, je me sens comme une baleine, s’apprêtant à s’échouer sur le bord de la mer. 

Du coup (faudrait qu’on discute de cette locution qui ne veut strictement rien dire d’ailleurs), je m’inflige des régimes alimentaires de l’horreur, je vais courir jusqu’à me sentir nauséeuse, j’enchaîne les petites phrases moqueuses à l’égard de chaque partie de mon corps qui ne trouverait pas grâce à mes yeux inquisiteurs. 

Et parfois, il m’arrive, à l’issue de cette période de torture d’avoir un résultat que je juge acceptable, pas parfait évidemment mais pouvant être toléré sur une plage. Malheureusement, ce jugement est vite balayé par mes paires lorsque les défilés sur les plages arrivent. Je tombe, inévitablement dans la comparaison, mes cuisses redeviennent trop grosses, mon ventre pas assez plat, mon c** trop flasque et j’en passe. 

Le plus triste dans tout ça, c’est que je sais que tous ces complexes que j’ai pu développer sont le fruit d’un long travail de dévalorisation dicté par notre jolie société du paraître. 
Le plus triste dans tout ça, c’est que même en ayant conscience de tout cela, même en faisant un travail pour ne plus m’infliger tout ça, les complexes sont ancrés, en moi, malgré moi.

Je ne saurais dire à quel moment précisément, ces complexes sont nés. Peut-être dans les vestiaires de l’école comme ces petites ? Ou en regardant mes 1ers magasines avec cet article redondant expliquant « comment perdre du poids pour l’été ? ». Ou encore quand les grandes cousines/copines se moquaient des autres filles comme pour se rassurer entre elles. 

Dans tous les cas, ce phénomène de « t’es-pas-à-la-hauteur » s’insinuait et s’insinue encore aujourd’hui partout autour de nous, jusqu’à prendre place dans notre for intérieur. 

J’aimerais qu’on nous apprenne au contraire dès notre enfance, dès la cours de l’école qu’on peut avoir toutes ces particularités physiques qui constituent notre enveloppe sans pour autant créer un malaise chez nous
J’aimerais qu’on arrête de nous enseigner dès petite que pour être belle, être acceptable, il faut être de telle ou telle façon. 
J’aimerais aussi qu’on arrête de nous faire croire qu’entre le physique ou la tête il faut choisir. Oui parce que c’est connu, même la fille qui serait sans complexe (ce mythe existe-t-il d’ailleurs ?) avec ce corps perçu comme étant parfait, aura pour elle le malheur d’être une bimbo, une sans-cervelle, et j’en passe des meilleures. 

Chaque petite fille devrait pouvoir grandir pour devenir une femme épanouie sans avoir cette pression supplémentaire du « perfect body »
Parce que mon corps parfait finalement, c’est celui dans lequel je me sentirais bien. Dans lequel je n’aurai pas honte d’être celle que je suis. Que j’aurais envie de chérir pour ce qu’il est et non de torturer pour qu’il devienne celui d’une autre. Que je n’aurais pas honte de dévoiler à la lumière du jour à un amant, un amour ou des inconnus à la plage.

Effectivement, tout cela semble utopiste. 
Pourquoi ? Parce que nous l’avons décidé tout simplement. Je crois que nous éprouvons un certain plaisir pervers à continuer cette torture vis à vis de notre corps, de notre esprit 
Bah oui, imaginons que demain, lors d’une discussion autour d’une salade, mes copines parlent de ce fameux régime, et que moi j’ose lancer que je n’en ai pas besoin parce que je me sens bien, quelle est la probabilité que cette intervention insolente soit bien perçue? 
Elles acquiesceront certainement mais n’en penseront pas moins quant à ma cellulite, ou mes poignées d’amour. Il est également probable qu’elle me félicite en pensant au contraire que cette acceptation de mon corps est formidable mais cela ne les aideront en rien dans leur quête à elle du corps parfait. 
Une quête qui, par ailleurs ne connaît jamais de fin. Aussitôt un complexe disparu, après un travail de longue haleine, un nouveau apparaît jusqu’au jour où, lassées de ce supplice, nous devenons « épicuriennes » ce qui signifie que nous faisons preuve d’un lâcher prise total. 

Ce que je cherche à dire, n’est pas que nous devons devenir apathiques, traînant notre corps, comme un sac à main sans y porter attention. Non.
J’insiste ici sur la volonté de chérir et d’accepter ce corps pour ce qu’il est sans pour autant avoir le besoin de le transformer pour atteindre un idéal qui au final de ne nous correspond pas. 
Prendre soin de son corps, c’est faire du sport pour se sentir bien, pour se sentir mieux, pour être épanouie et pas nécessairement pour perdre 5 kilos ridicules pour aller bronzer au soleil. 
Prendre soin de son corps, c’est manger de la salade tous les jours par plaisir et non par privation des plaisirs gustatifs caloriques. 
Prendre soin de son corps, c’est avant tout prendre conscience de son corps en fait. 

Je parle ici du rapport conflictuel au corps  par rapport à des kilos en trop parce que c'est mon expérience. Ce conflit que j’essaie encore de régler quotidiennement, car il s’agit là d’un processus long et fastidieux. 
Cependant, je sais qu’il existe l’autre cas de figures, celles qui ne pensent ne pas avoir assez. Pas assez de cuisses, pas assez de fesses, pas assez de seins… 
Mais pas assez pour qui ? Cette image de la femme mince mais pulpeuse , élégante mais pas coincée, sexy mais pas vulgaire, intelligente mais pas chiante nous a été imposées dès notre plus jeune âge par je-ne-sais-qui pour je–ne-sais-quoi dans notre joli monde occidental. 

Il est tant de dire STOP!



Pour finir, je dirai que je suis belle quand je décide que je le suis, mon corps me plaît quand je décide qu’il me plaît et l’intersubjectivité intervient pour appuyer ma décision quant à ce jugement que j’ai envers mon corps. Dans le cas contraire, je décide que l’avis des autres constitue un moteur à mon bien-être personnel. Heureusement, jusqu’à preuve du contraire, votre bonheur, mes chères amies, ne dépend que de vous. 

Mais ça, c’est un sujet que j’aborderai ultérieurement. 

Tchao-la-la







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